Tout part d’un tweet “Le voyage responsable lorsqu’on prend l’avion est-il tout sauf responsable ?” et le débat s’enchaîne… Je commence à lire tous ces articles qui parlent d’avion et d’impact écologique. On dit que l’avion vaut 45 voyages en train, qu’être sans voiture et zéro déchet ne compense pas son aller-retour à New-York pendant les vacances d’été, que 3% des émissions mondiales de CO2 sont émises par le secteur aéronautique… Toutes ces informations me polluent le cerveau. Mais alors où se placer dans cet univers entre passion du voyage et conscience écologique ? Est-ce que le voyage responsable existe ? 

 

Les chanceux de la planète

Tout d’abord, il faut savoir que nous, ces personnes qui prenons l’avion (bien évidemment je m’inclue dedans), faisons partie des 10% des chanceux de cette planète qui avons mis les pieds dans les aéroports (enlevez le personnel de ménage qui n’a, la plupart du temps, jamais décollé de la terre). Deux opposés s’affrontent, les personnes n’ayant jamais pris l’avion et les personnes prenant plusieurs fois l’avion chaque année. Au total, en 2018, nous avons enregistré 4,3 milliards de passagers dans le monde, soit une augmentation de 6,1% par rapport à l’année précédente. Mais ces 4,3 milliards de passagers ne représentent en fait qu’environ 10% des habitants de la planète. Et oui, la plupart des gens qui vivent sur cette Terre n’ont pas la même vie que nous, petits européens qui avons accès à internet depuis chez nous (ou depuis notre smartphone via la 4G) et qui avons la curiosité de lire cet article. 

Ce que nous pouvons percevoir aussi, ce sont ces inégalités même au coeur du pays. Prenons la France par exemple, parmi les passagers aériens, 27% sont des cadres sups et seulement 2% sont des ouvriers. Même si les vols low-cost sont en plein essor, les inégalités sociales perdurent et la majorité des personnes que nous croisons dans les aéroports appartiennent aux classes supérieures (oui, oui, même toi petit backpackers qui part en Asie avec tes économies!). Parmi ceux qui prennent le moins l’avion, nous retrouvons les agriculteurs, notamment parce qu’ils ont très peu de vacances. Mais le fossé est encore plus important dans les pays non-développés. Le trafic international de passagers, exprimé en RKP (passager-km), représentait 3% pour l’Afrique en 2017 alors qu’il représentait 37% pour l’Europe la même année. De plus, si nous tenons compte du fait que les chiffres sont tirés vers le haut par l’Afrique du Nord, nous comprenons très vite que ces sièges d’avion sont souvent réservés par une élite politique ou économique africaine. Alors pourquoi ? Pourquoi nous sommes à la fois si peu et si nombreux à prendre l’avion ?

 

L’avion, un exploit humain 

Pourtant, l’avion est quand même quand on y pense une incroyable invention. Un moyen de transport extraordinaire, créé par l’homme il y a maintenant plus d’un siècle, pouvant transporter de nombreux passagers dans le ciel, traversant mers et océans en quelques heures seulement. L’aviation a permis à l’homme de voler. L’homme a été à la rencontre de l’homme d’autres continents et de contrées lointaines souvent inexplorées. Nous avons appris à mieux connaître cette Terre sur laquelle nous vivons et le monde qui nous entoure. Grâce à ce moyen de transport, le monde pourtant si grand, ne nous a jamais paru autant à porté de main. En quelques clics sur internet, nous pouvons prendre un billet pour partir dans n’importe quel pays du monde et découvrir une nouvelle culture, un autre mode de vie, des habitants aux coutumes différentes de chez nous. Dommage que ce luxe ne soit réservé qu’à 10% des êtres humains. 

L’avion qui autrefois était adulé telle une prouesse technologique, un exploit humain, est aujourd’hui blâmé. En effet, la pression sociale s’accentue chaque jour davantage car le secteur aéronautique est accusé de ne pas prendre sa part dans la lutte contre le réchauffement climatique. L’Europe, principale concernée par la cause écologique, tente d’agir pour à la fois garder ce moyen de transport (disons-le) ultra pratique, mais aussi réduire l’impact écologique de celui-ci. Pour cela, divers programmes technologiques (ACARE2020, Cleansky, SESAR) ont été mis en place et ont considérablement fait baisser les émissions de CO2 des avions. Il faut savoir que ces dernières années, les émissions de CO2/passager/km de l’aviation ont baissé beaucoup plus vite que celles des voitures. Les constructeurs aéronautiques ont conscience de cet impact écologique et travaillent sur des nouveaux avions, beaucoup moins polluants qui pourraient voler d’ici quelques années.  Airbus a déjà sorti son A350XWB consommant entre 25 et 30% de moins que les avions de précédente génération. Le constructeur européen n’est pas le seul à se mettre au vert et c’est même toute l’industrie aéronautique qui cherche à réduire son empreinte carbone. Mais les efforts investis seront-ils suffisants ?

 

Nous faisons parler les chiffres comme nous voulons

graphique émission de CO2 par transport

Hormis si l’on voyage en camping-car/van et qu’on prend le bateau, l’avion l’emporte haut la main sur le moyen de transport qui a le plus d’impact sur le réchauffement climatique lors d’un long voyage. En effet, même si un avion long-courrier n’émet pas plus de CO2 au kilomètre qu’une voiture avec un seul passager à bord, les distances parcourues en avion sont telles que son impact sur le climat est largement plus élevé.

Les données nous permettent de voir qu’il y a plusieurs paramètres non-négligeables à prendre en compte pour chaque moyen de transport. En plus du nombre de passagers et du nombre de kilomètres parcourus, n’est pas indiqué comme paramètres : 

  • la taille et le poids du moyen de transport (de même qu’une Twingo ne consomme pas la même chose qu’un 4×4, un A380 ne consomme pas la même chose qu’un Ambraer)
  • l’ancienneté du transport (plus une voiture est vieille, plus elle est polluante)
  • la date des données de l’Agence Européenne pour l’Environnement (qui ne prend pas en compte les dernières évolutions technologiques des avions)
  • la congestion sur les routes (petite pensée à l’Inde)…

Alors l’avion est-il vraiment le moyen de transport le plus polluant ? C’est ce que la majorité des articles sur le net veut nous faire croire. Mais certains nous annoncent que voyager en avion une fois par an, pollue souvent moins que de rouler toute l’année en voiture pour ses déplacements du quotidien. Je me pose alors la question : n’y a-t-il pas des lobbys qui payent pour sortir un article visant à influencer la population dans leurs intérêts ? Dans un sens ou dans l’autre… à la fois pour dire que l’avion est le moyen de transport le plus polluant, ou que c’est la voiture. Seuls ceux qui ont réalisé des études poussées prenant en compte le maximum de critères pourront le savoir. En attendant, nous, simples lecteurs, buvons les paroles que nous lisons, sans trop savoir ce qui se cache derrière ces chiffres…

 

La naissance du “Flight Shaming” 

Tous ces chiffres nous amène au mouvement du flight shaming. Né en Suède sous le nom de flygskam et popularisé par Greta Thunberg, la honte de voler est de plus en plus présente dans nos pays développés. Le flight shaming s’est répandu comme une traînée de poudre ces dernières années. L’écologie étant devenue une notion très importante dans nos vies, tous les secteurs sont passés en revue. Notre consommation de nourriture, de vêtements, de cosmétiques, et même notre consommation de voyage a été remise en cause. Le hashtag #flightshaming enflamme les réseaux sociaux et pointe du doigt les influenceurs qui prennent « trop souvent » l’avion. Le transport aérien est responsable de 3% des émissions mondiales de gaz à effet de serre, et vu que le secteur est en croissance constante, ce chiffre ne pourrait qu’augmenter. Mais ce n’est pas la première fois que nous remettons en cause des pratiques dès lors qu’elles sont démocratisées. La voiture a elle aussi été critiquée quand elle est devenue un phénomène de masse .

Voyageurs responsables revoient donc leur manière de voyager en laissant de côté l’avion pour la voiture ou le train… Ce qui remet en question bien évidemment les destinations accessibles. La tendance chez les voyageurs tend de plus en plus vers le tourisme local, revisiter son pays et les régions proches de chez nous. Je les vois ces voyageurs qui clament haut et fort “Je ne voyage plus en avion !”. Bravo, vraiment je vous félicite. Mais comment critiquer la pauvre infirmière qui a galéré toute l’année à faire des heures supplémentaires pour pouvoir se payer des vacances de rêve aux Antilles ? C’est facile pour certains de renoncer aux trajets en avion, lorsque nous n’avons plus les contraintes temporelles, financières et psychologiques du travail ou après avoir visité plus de 40 pays et avoir mis le pied sur tous les continents. C’est sûr que lorsque nous sommes dans ce cas, nous avons un peu plus le temps de repenser à notre manière de consommer les voyages et privilégier le train. Mais pour la plupart des gens, un petit plaisir de temps en temps n’est pas coupable, comme ce petit gâteau au chocolat que l’on s’accorde en plein régime. 

Alors comment résister à la tentation du voyage en avion ? Avec l’essor des compagnies low-cost qui ont massifié les vols courts et moyen-courrier, le trafic aérien est devenu plus dense que jamais (les vols long-courrier représentent à peine 10% des trajets). Nous, chanceux Européens, voyageons donc en avion beaucoup plus qu’avant mais aussi vers des destinations proches. Mais alors pourquoi ? Pourquoi agissons-nous de la sorte ? Pourquoi avons-nous une conscience écologique mais bon l’avion c’est quand même plus pratique ?

 

Le choix de l’avion

Si nous posons comme postulat que tous les voyageurs aériens ont un travail à temps plein et ont cinq semaines de congés payés (les Français ces chanceux encore!), les vacances sont donc un moyen de se couper du travail pendant un temps. Ce qui signifie, pour un bon nombre de personnes, partir loin de tout ce qui pourrait nous faire penser au travail. L’avion est donc le meilleur moyen pour partir se ressourcer loin de chez nous, vers des destinations souvent moins chères, en un minimum de temps. C’est vrai que, comme nous l’avons dit plus haut, l’avion est un moyen de transport ultra pratique. Nous pouvons partir pour un week-end à moins de 100€ dans la plupart des capitales européennes et partir à l’autre bout du monde pendant les grandes vacances pour se dépayser. Avec ce train de vie que nous menons à cent à l’heure, nous essayons sans cesse d’optimiser notre temps, et l’avion est le meilleur moyen de transport pour ça. 

Mais ce mode de vie actuel que nous avons dans les pays développés, à savoir métro-boulot-apéro-dodo, nous forcerait-il à opter pour l’avion ? Nous pouvons voyager en train, en voiture, en bateau… Cependant ces modes de transport nécessitent du temps ! Chose que nous n’avons pas (ou plus) dans la société telle que nous la connaissons actuellement. Nous voulons faire un maximum de choses en un temps record, au travail comme en voyage. D’où le succès des tours du monde en 80 jours, des roadtrips à gogo, on veut cocher des cases et le montrer. 

Nous sommes de plus en plus à voyager, et à l’afficher sur les réseaux sociaux. Instagram est même le graal de l’influenceur voyage qui peut montrer à sa communauté tous les plus beaux coins du monde où il a mis les pieds et ainsi inciter les autres à y aller à leur tour. Je ne jette la pierre à personne, je suis moi-même prise au piège du réseau social. Est-ce pour autant qu’il faut en oublier les conséquences ? Un voyage, notamment en avion, n’est pas sans conséquences pour l’environnement, nous le savons. 

Ne serait-ce donc pas nos modes de vie et de consommation qui seraient à revoir ? 

 

Voyager responsable

Dans le contexte actuel, ce confinement nous redonne du temps. Le temps de réfléchir à nos actes et d’écouter notre conscience écologique. Nous voyons que la Terre reprend son souffle depuis que l’humanité est à l’arrêt, et nous prenons conscience de la pression que nous exerçons sur la planète. Alors faut-il arrêter de voyager en avion ?

La réponse est à l’intérieur de nous. Certains ont déjà choisi d’abandonner ce mode de transport, d’autres ne pourront faire une croix dessus. Par contre, nous pouvons tous prendre le temps de réfléchir à notre mode de consommation du tourisme, et plus particulièrement au choix de l’avion. 

Je ne dis pas là de ne plus voyager. Le voyage est un excellent échappatoire à notre quotidien et a prouvé ses bienfaits sur la santé. Plus le stress que nous accumulons au quotidien est important, plus notre besoin d’évasion est grand. De plus, il ne faut pas oublier que le tourisme est un revenu-clé dans l’économie de certains pays et dans l’économie mondiale. De nombreux acteurs vivent du tourisme : compagnies aériennes mais aussi hôteliers, restaurateurs, commerçants, blogueurs… Voyager permet donc de nourrir son âme mais aussi l’estomac des acteurs qui en dépendent. Mais alors comment voyager de manière plus responsable ? 

Il est temps de trouver un équilibre, de ralentir cette frénésie du voyage. Nous n’allons pas nous arrêter de voyager, mais posons-nous les bonnes questions : Y a-t-il d’autres alternatives que l’avion ? Comment allons-nous consommer une fois sur place ? Aidons-nous les acteurs locaux ?

 

Un monde idéal

Bien sûr dans un monde idéal, nous réduirions notre bilan carbone en voyageant moins (ou plus du tout en avion), nous visiterions un endroit parce qu’il nous fait vibrer et pas pour cocher des cases,  nous prendrions le temps d’expérimenter son voyage, nous partagerions notre expérience avec les gens, nous découvririons des paysages proprement, nous ne

polluerions plus, nous arrêterions de détruire des endroits protégés, nous consommerions local auprès des petits producteurs, nous produirions le moins de déchets possible… Nous rangerions notre perche à selfie et nous éveillerions tous nos sens et notre conscience. Bref, le tourisme de masse n’existerait pas. 

De plus, dans un monde idéal, tous les produits que nous consommons seraient fabriqués dans notre propre pays et non importés d’Asie par avion. Nous n’achèterions plus des vêtements pas chers et des produits testés sur les animaux. Les produits de luxe ne seraient plus livrés par avion. Nous n’achèterions pas autant de vêtements que nous ne portons pas (pour rappel l’industrie textile est la deuxième industrie la plus polluante) Nous ne commanderions plus sur Amazon. Nous consommerions local et éthique. 

Mais alors dans un monde idéal, nous aurions également tous des maisons sans déchets, tous les déchets seraient recyclés, les moyens de transport ne pollueraient plus, l’eau serait potable partout, les inégalités auraient disparu, le budget pour les hôpitaux ne serait pas un problème, nous ne vivrions plus à cent à l’heure, nous ne nous turions plus au travail, nous serions tous devenus vegans, ou du moins flexitarien, sans pour autant réduire le revenu des agriculteurs d’élevage… 

Bref le monde idéal n’existe pas. Alors faisons ce que nous pouvons. Faisons au mieux, en pleine conscience. 

 

Pour conclure cet article, je souhaite dire que le monde idéal n’existe pas. Mais que nous pouvons agir au quotidien pour vivre dans un monde meilleur (à défaut d’être idéal). À l’heure du flight shaming, il est temps de repenser notre manière de voyager et de se demander pourquoi prenons-nous l’avion ? N’arrêtons surtout pas de voyager, mais réfléchissons à notre empreinte carbone. Quels sacrifices sommes-nous prêts à faire ?

vue du hublot de nuit

Voilà ma pensée en 2020 en plein confinement, et peut-être parce qu’au bout de 15 jours d’enfermement, je rêve d’ailleurs… Je n’apporte pas de vraie réponse, juste une piste de réflexion qui me trottait dans la tête depuis un moment. J’espère que ce sujet t’aura fait réfléchir à notre manière de consommer et de vivre. Cette pensée évoluera-t-elle d’ici quelques mois, quelques années ? L’avenir nous le dira. J’aurais peut-être d’ici là arrêté de prendre l’avion mais donné la vie à un petit être, un nouveau petit consommateur, ou peut-être que l’avion vert volera dans les airs… Mais finalement qu’est-ce qui est le plus important dans ce monde où tout va trop vite ? Je crois que c’est simplement de trouver sa place, d’être en accord avec soi-même et d’être heureux, non ? 

xoxo Cindy


Sources et articles qui m’ont inspirés : 

https://www.air-journal.fr/2019-01-02-oaci-43-milliards-de-passagers-aeriens-en-2018-61-5209278.html

https://journals.openedition.org/belgeo/11279?lang=nl#tocto2n1 

https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/sites/default/files/ENPA_2015_2016.pdf 

https://www.latribune.fr/entreprises-finance/services/transport-logistique/plus-d-avions-moins-de-pollution-c-est-possible-820419.html 

https://www.parismatch.com/Actu/Environnement/Prendre-l-avion-est-il-un-privilege

https://youmatter.world/fr/avion-pollution-voiture-comparaison/ 

Pour les voyageurs qui souhaitent aller plus loin, je vous conseille de lire cet article : 

Voyager écologiste : empreinte carbone des transports : avion, bus, trains, voiture… 


ON SE RETROUVE SUR PINTEREST ? 

Voici les images à épingler pour retrouver mon article plus facilement. Encore plus de photos sur mon compte Pinterest

2 Comments

  1. Merci pour cet article intéressant qui ouvre de nombreuses pistes de réflexion 🙂 le temps, au final, c’est ça le vrai luxe… le temps de voyager longtemps et lentement. Peu de gens ayant un boulot normal ont ce temps et l’avion est le seul passeport vers la découverte des lointains…

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